MANIFESTATIONS LITTÉRAIRES
de la Maison de Poésie
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Prochain événement prestigieux pour le Chœur International Hugues Reiner, Salle Gaveau le dimanche 1er décembre à 16h, 45 rue la Boétie, 75008 Paris, aura lieu le 2ème Salon des Poètes et de la Mélodie Française présenté par Linda Maria Baros, Sylvestre Clancier, Hugues Reiner
Avec du chant choral (Fauré et Chausson avec Eric Ferrer au piano et à la direction, Hugues Reiner), Des poèmes seront lus, par des invités prestigieux parmi lesquels Denis Tillinac et Brigitte Fossey. Il y aura la remise du Prix Paul Verlaine 2019 Maison de Poésie et les lauréats des Prix Mallarmé et Apollinaire sur la scène liront aussi des poèmes.
Puis, un récital Joachim Bresson (ténor) et Hugues Reiner (piano), avec des œuvres de Fauré, Samazeuilh, Koechlin et Duparc.
Une 2ème partie se tiendra dans le Salon Rostropovitch (sous la salle de spectacle), où vous pourrez découvrir une exposition de 9 artistes plasticiens, et rencontrer plus de 50 poètes qui dédicaceront leurs œuvres.
Venez participer à cet événement prestigieux et original. Le prix unique, pour permettre au plus grand nombre de venir, reste modique (20€), on peut réserver sur le site de la salle Gaveau, ou appel au 01 49 53 05 07 ou au guichet bien sûr !
Evènement parrainé par l'Académie Mallarmé, le Jury Apollinaire, la Maison de Poésie, le PEN Club français
Les matinées littéraires de la Maison de Poésie ont été momentanément suspendues, à la suite de l'expulsion de ses locaux historiques de l'Hôtel particulier d'Émile Blémont, rue Ballu à Paris, par la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD).
Cependant, grâce à l'amabilité de nos amis de la Société des Poètes Français qui nous accueillent avec générosité, nous reprenons quelques rencontres dans leurs locaux, 16, rue Monsieur-le-Prince, 75006 Paris. Parmi ces retrouvailles, nous signalons pour le moment :
- Jeudi 26 novembre 2015. Parloir des Poètes. De 16 h 30 à 18 h.
- Mercredi 3 février 2016. Rencontre poétiques. À 17 h.
- Mercredi 9 mars 2016. Id.
- Jeudi 12 mai 2016. Causerie d'Astrid Bouygues : De la viande à la chair. Amour et Boucherie dans la poésie du XXe siècle. À 17 h.
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Rappel
19 janvier 2011
dans les locaux historiques de la Maison de Poésie
11 bis, rue Ballu. 75009 Paris
avant son expulsion par les auteurs et compositeurs dramatiques.
L’HERBE HAUTE
Concert-lecture autour des poèmes de
GILLES DE OBALDIA
Musique chorale : Thierry Machuel et Jacques Barathon.
Création sonore : Nadir Babouri. Travail théâtral : Benoît Richter.
Conception, direction musicale : Emmanuèle Dubost.
Théâ-Chœur : Gilles de Obaldia, Florence Darcq, Lionel Gontier,
Pascale Brochard, François-Xavier Galen, Elisabeth Nègre,
Violaine Pattée, Michel Lagües, Isabelle Baudry, Martine Devin.


Photographies : Mathilde Martineau
Avec l’aide de la SACEM (Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique) et de la DRAC (Direction Régionale de l’Action Culturelle).
Photographies : © Sébastien Le Clézio.
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Le dernier Parloir des Poètes à la Maison de Poésie,
11 bis rue Ballu. 75009 Paris
avant l'expulsion par la SACD
Mercredi 28 septembre 2011
Photographies : Mathilde Martineau.
Les 30 000 volumes, les tableaux, les sculptures, les manuscrits, tout le patrimoine de la Maison de Poésie venait d'être mis en caisses et placé dans les dépôts de la Bibliothèque Nationale de France. Tous les rayonnages ont été vidés. La poésie est descendue aux catacombes. La nuit tombe. Les poètes s'éloignent. La SACD va pouvoir venir prendre possession des locaux.
Prix de la Maison de Poésie
Les Prix 2010 de la Maison de Poésie-Fondation Émile Blémont ont été décernés lors du Parloir des Poètes du Mercredi 20 octobre, qui réunissait des poètes et des amis de la poésie dans la grande bibliothèque de la Fondation.
Grand Prix de Poésie : Jean-Claude Pirotte, pour l’ensemble de son œuvre, à l’occasion de la publication de son recueil Le Promenoir magique et autres poèmes (La Table Ronde).
Prix Paul Verlaine : Jacques Bertin pour son recueil Blessé seulement (L'Escampette).
Prix Philippe Chabaneix : Béatrice Marchal pour la publication des poèmes inédits de Cécile Sauvage, Écrits d'amour (Le Cerf).
Chaque lauréat a reçu une statuette en pierre d’Isabel Roxo, qui lui a été remise par le sculpteur. L’œuvre destinée à Jean-Claude Pirotte a été confiée à la représentante des Éditions de la Table Ronde, car le poète, souffrant, n’avait pu venir de Belgique où il réside actuellement.
Daniel Sauvalle, Isabelle Roxo, Jean-Luc Moreau, Jacques Bertin.
Photographie : Elizaveta Zhuravleva.
Une présentation de l’œuvre de chacun de ces trois poètes a mis en valeur les raisons de ces choix et plusieurs de leurs poèmes ont été lus.
La réception a permis, par la suite, à plusieurs poètes présents de dire un poème – prolongeant ainsi la mise en valeur de la poésie vivante.
Voir la rubrique Prix littéraires.
Photographies : © Sébastien Le Clézio.
PARMI LES POÈMES PRÉSENTÉS
OU RÉCITÉS
AU COURS DU PARLOIR DES POÈTES
je ne parlerai qu’à voix basse
à mes fantômes familiers
et de nos pas dans les allées
incertaines du vieux vieux temps
nul ne pourra suivre la trace
les reflets au bord des étangs
de nos misérables carcasses
s’évanouissent comme passent
les frêles amours les nuées
les étincelles de la grâce
je ne parlerai qu’à voix basse
et le cœur à peine battant
à mes ombres dépossédées
par le mirage des années
incertaines du vieux vieux temps.
Jean-Claude Pirotte, La Boîte à musique.
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La chanson est un cimetière
les notes sont des tombes bleues
le soir y tombe et il y pleut
des larmes de roses trémières
l’eau monte dans le cœur noyé
le passé submerge la rive
ravivant des plaies de chaux vive
et d’anciens rêves dévoyés
plein le ciel il y a des masques
sous le soir il faut se hâter
passe le temps et la bourrasque
sur la gabare démâtée
nous irons nous cacher dans l’île
nous irons mourir gentiment
nous planterons de bons serments
et des baisers sur nos chairs vives
…
un jour si tu reviens par là
tu trouveras en fouillant l’ombre
ces anciennes raisons profondes
les mêmes qui t’ennuient déjà
Jacques Bertin, Blessé seulement.
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Ton désir...
Ton désir est le fruit qui seul peut m'apaiser,
J'ai faim, donne-le moi que je morde au baiser,
C'est pour la faim du fruit, hélas! que je suis née.
Il est fait pour mon sang, il est fait pour mes lèvres,
Ma bouche l'a choisi, mon sang tremble de fièvre,
Ton corps est le fruit lourd qui doit combler mes bras,
Viens dans mes bras, mon âme à ton âme tout bas.
Viens, une joie ardente et triste me pénètre,
Ne dois-je pas trouver mon âme dans ton être,
Mon sein n'est-il pas fait pour ta bouche d'enfant.
Tu m'appelles, je viens, le chemin de ton sang
Est en moi, tout mon être est soumis à ta vie.
Cécile Sauvage, Écrits d'amour.
AU COURS DU PRINTEMPS DES POÈTES,
« COULEUR FEMME » :
Tout aussitôt...
Tout aussitôt que je commence à prendre
Dans le mol lit le repos désiré,
Mon triste esprit, hors de moi retiré,
S'en va vers toi incontinent se rendre.
Lors m'est avis que dedans mon sein tendre
Je tiens le bien où j'ai tant aspiré,
Et pour lequel j'ai si haut soupiré
Que de sanglots ai souvent cuidé fendre.
Ô doux sommeil, ô nuit à moi heureuse !
Plaisant repos plein de tranquillité,
Continuez toutes les nuits mon songe ;
Et si jamais ma pauvre âme amoureuse
Ne doit avoir de bien en vérité,
Faites au moins qu'elle en ait en mensonge.
Œuvres de Louise Labé, Lyonnaise, 1555.
L'amour
Vous demandez si l'amour rend heureuse ;
Il le promet, croyez-le, fût-ce un jour.
Ah ! pour un jour d'existence amoureuse,
Qui ne mourrait ? la vie est dans l'amour.
Quand je vivais tendre et craintive amante,
Avec ses feux je peignais ses douleurs :
Sur son portrait j'ai versé tant de pleurs,
Que cette image en paraît moins charmante.
Si le sourire, éclair inattendu,
Brille parfois au milieu de mes larmes,
C'était l'amour ; c'était lui, mais sans armes ;
C'était le ciel... qu'avec lui j'ai perdu.
Sans lui, le coeur est un foyer sans flamme ;
Il brûle tout, ce doux empoisonneur.
J'ai dit bien vrai comme il déchire une âme :
Demandez-donc s'il donne le bonheur !
Vous le saurez : oui, quoi qu'il en puisse être,
De gré, de force, amour sera le maître ;
Et, dans sa fièvre alors lente à guérir,
Vous souffrirez, ou vous ferez souffrir.
Dès qu'on l'a vu, son absence est affreuse ;
Dès qu'il revient, on tremble nuit et jour ;
Souvent enfin la mort est dans l'amour ;
Et cependant... oui, l'amour rend heureuse !
Marceline Desbordes-Valmore
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Elle règne
Le soir était plus doux que l'ombre d'une fleur.
J'entrai dans l'ombre ainsi qu'en un parfait asile.
La voix, récompensant mon attente docile,
Me chuchota: « Vois le palais de la douleur ».
Mes yeux las s'enchantaient du violet, couleur
Unique car le noir dominait. Immobile
La douleur demeurait assise, très tranquille.
J'admirais l'unité de sa grande pâleur.
Mon coeur se resserrait dans un étau funeste,
Et j'allais m'éloigner, lorsqu'elle me dit : reste,
Aussitôt j'entendis prolonger un sanglot.
Dans la salle du trône, un clair de lune blême
Envahissait la nuit, comme un rocher le flot,
Et la Douleur régnait, implacable et suprême.
Renée Vivien, Sillages, Sansot, 1908.
***
Sur le lit plein de ton parfum
Je vais dormir comme en tes bras
Et revivre encor tes caresses,
Te retenir nu contre moi,
Sentir tes formes sur les miennes
Et ton désir lourd et tremblant
Grelotter de fièvre à mon flanc.
J’aurai faim de ta chair vivante,
J’aurai ta vie entre mes bras.
Cécile Sauvage, Prière. 1914-1915. Écrits d’amour. Édition établie, présentée et annotée par Béatrice Marchal. © Le Cerf, 2009.
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Que m’importent lieu, durée,
Si je demeure assurée
De garder toujours l’instant.
Seconde ou siècle, autant
Le vent sur sa route emporte.
Lieu, durée, ah ! que m’importe.
Tout défile au même train.
Je ne saisirai qu’un grain
Du sable des destinées.
Pour le cueillir je suis née.
Liliane Wouters, L’Aloès, Luneau-Ascot, 1983. Dans Le Gel, Seghers, 1966.
Hommes pensifs, je ne vous donne à lire
Ces miens devis, si vous ne contraigniez
Le fier maintien de vos fronts réchignés :
Ici n’y a seulement que pour rire.
Laissez à part votre chagrin, votre ire,
Et vos discours de trop loin desseignés :
Une autre fois vous serez enseignés.
Je me suis bien contraint pour les écrire.
J’ai oublié mes tristes passions ;
J’ai intermis mes occupations ;
Donnons, donnons quelque lieu à Folie ;
Que maugré nous ne nous vienne saisir
Et en un jour plein de mélancolie,
Mêlons au moins une heure de plaisir.
Bonaventure Des Périers, Sonnet liminaire des Nouvelles récréations et joyeux devis, 1558.
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Superbes monuments…
Superbes monuments de l’orgueil des humains,
Pyramides, tombeaux, dont la vaine structure
A témoigné que l’art, par l’adresse des mains
Et l’assidu travail, peut vaincre la nature ;
Vieux palais ruinés, chefs-d’œuvre de Romains
Et le dernier effort de leur architecture,
Colisée où souvent des peuples inhumains
De s’entr’assassiner se donnaient tablature ;
Par l’injure du temps vous êtes abolis
Ou, du moins, la plupart, on vous a démolis :
Il n’est point de ciument que le temps ne dissoude.
Si le marbre si dur a senti son pouvoir,
Dois-je trouver mauvais qu’un méchant pourpoint noir
Qui m’a duré deux ans soit troué par le coude ?
Paul Scarron, 1651.
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Dix-huit ans
J'ai dix-huit ans : tout change, et l'Espérance
Vers l'horizon me conduit par la main.
Encore un jour à traîner ma souffrance,
Et le bonheur me sourira demain.
Je vois déjà croître pour ma couronne
Quelques lauriers dans les fleurs du printemps ;
C'est un délire… Ah ! qu'on me le pardonne ;
J'ai dix-huit ans !
J'aime Provins, j'aime ces vieilles tombes
Où les Amours vont chercher des abris ;
Ces murs déserts qu'habitent les colombes,
Et dont mes pas font trembler les débris.
Là, je m'assieds, rêveur, et dans l'espace
Je suis des yeux les nuages flottants,
L'oiseau qui vole et la femme qui passe :
J'ai dix-huit ans !
Bercez-moi donc, ô rêves pleins de charmes !
Rêves d'amour !… Mais l'aquilon des mers
A jusqu'à moi porté le bruit des armes :
La Grèce appelle en secouant ses fers.
Loin de la foule et loin du bruit des villes,
Dieux ! laissez-moi respirer quelque temps,
Le temps d'aller mourir aux Thermopyles :
J'ai dix-huit ans !
Mais quel espoir ! la France, jeune et fière,
S'indigne aussi de vieillir en repos ;
Des cieux, émus par quinze ans de prière,
La Liberté redescend à propos.
Foudre invisible et captif dans la nue,
Hier encor, je te disais : Attends !
Mais aujourd'hui, parais ; l'heure est venue :
J'ai dix-huit ans !
Hégésippe Moreau, Le Myosotis, 1838.
***
Derniers vers
L'heure de ma mort, depuis dix-huit mois,
De tous les côtés sonne à mes oreilles,
Depuis dix-huit mois d'ennuis et de veilles,
Partout je la sens, partout je la vois.
Plus je me débats contre ma misère,
Plus s'éveille en moi l'instinct du malheur ;
Et, dès que je veux faire un pas sur terre,
Je sens tout à coup s'arrêter mon cœur.
Ma force à lutter s'use et se prodigue.
Jusqu'à mon repos, tout est un combat ;
Et, comme un coursier brisé de fatigue,
Mon courage éteint chancelle et s'abat.
Alfred de Musset. 1857. Année de sa mort.
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Par ce soir pluvieux...
Par ce soir pluvieux, es-tu quelque présage,
Un secret avertissement,
Ô feuille qui me viens effleurer le visage
Avec un doux frémissement ?
L’Automne t’a flétrie et voici que tu tombes,
Trop lourde d’une goutte d’eau :
Tu tombes sur mon front que courbent vers les tombes
Les jours amassés en fardeau.
Ah ! passe avec le vent, mélancolique feuille,
Qui donnais ton ombre au jardin !
Le songe où maintenant mon âme se recueille
Ouvre les portes du destin.
Jean Moréas, Les Stances, 1893.
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Élégie pour un ami (VI)
Un jour, il faut partir et l'on ne sait
plus rien de ce qui fut à l'origine
du feu, ni comment ni pourquoi
les choses tout à coup
se sont mises à tourner de travers
et le feu s'est éteint, le rosier changé
en épines, l'amour en terre brûlée,
et ce qui reste avec
le bruit de nos pas à la place du cœur
et peu de choses : des mots sur du papier
qui ne disent plus rien sinon qu’ils furent
écrits, lus et relus
par un aveugle dansant dans l’incendie.
Guy Goffette, Tombeau du Capricorne. © Gallimard, 2009.
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Demeurons un moment...
Demeurons un moment puisque tout alentour
s’écoule en même temps que l’eau de la rivière
trois ou quatre colverts font des allers-retours
serrés géométriquement dans la lumière
le héron planté juste au milieu des remous
comme un veilleur dégingandé – lui et la buse
qui varie à la verticale ont rendez-vous
sens-tu comme aujourd’hui la chaleur est diffuse ?
oui le héron, la buse, oui ce vol des colverts
d’où vient leur foi, la volonté qui les anime
par où l’eau coule et par quoi les arbres sont verts
ce qui les pousse et peut-être nous détermine ?
arrêtons-nous tous deux sur le bord du chemin
et dans l’impatience de tout, main dans la main.
Bertrand Degott, Battant. © La Table Ronde, 2006.
René Guy Cadou, poète de l'amour et de la mort
En évoquant la vie et l'œuvre de René Guy Cadou, Claude Cailleau a montré comment cette poésie si riche d'images dans sa simplicité tressait la lumière de l'amour et l'ombre de la mort. Cette évocation fut particulièrement émouvante et Cadou reçu le plus bel hommage qu'on puisse donner à un poète, puisque plusieurs participants récitèrent des poèmes qu'ils portaient en leur mémoire, montrant ainsi que René Guy Cadou était bien l'un des grands poètes du XXe siècle.
Automne
Odeur des pluies de mon enfance
Derniers soleils de la saison !
À sept ans comme il faisait bon
Après d’ennuyeuses vacances,
Se retrouver dans sa maison !
La vieille classe de mon père,
Pleine de guêpes écrasées,
Sentait l’encre, le bois, la craie
Et ces merveilleuses poussières
Amassées par tout un été.
Ô temps charmant des brumes douces,
Des gibiers, des longs vols d’oiseaux,
Le vent souffle sous le préau,
Mais je tiens entre paume et pouce
Une rouge pomme à couteau.
René Guy Cadou, Les Amis d’enfance, Maison de la Culture de Bourges, 1965.
René Guy Cadou, Autoportrait.
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Parmi les poèmes publiés récemment et récités lors d'une matinée littéraire :
Le Poète est venu…
Le Poète est venu Personne ne l’estime
Qui peut lui pardonner Il perturbe et il tend
trop loin vers l’horizon final des jugements
que l’homme avec raison au quotidien réprime
Il passe en se cognant dans le palais des rimes
maître d’un genre abandonné depuis longtemps
Il erre en trébuchant sur des idées sublimes
qui surplombent le cours de l’âge et son torrent
Le Poète est au ban de la cité grégaire
Pourtant il finira car c’est là son destin
en combattant l’hydre des temps totalitaires
Il erre accompagné partout par le silence
d’un monde aveugle et sourd que son discours offense
et qui gravite autour des astres du déclin.
Chaunes, Le Coin de table, n° 38, Avril 2009.
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Déculpabilisation
Les costumes cravates en route pour l’école
(Ils sont rentrés trop tard et les enfants dormaient
Ils partent en mission loin des petits Mickey)
Prennent le temps soudain du léger, du frivole
Alors quelques minutes avant le cours de maths
Alors quelques minutes avant le prochain train
Ils livrent un peu d’humour, du chic et du bath
En faisant de la route habituelle un chemin
« Un obstacle sur la voie ? Le feu passe au rouge
Le train s’arrête alors, plus personne ne bouge !
Regarde au loin là-bas : la maison des Martin
Travaille bien chéri, on se revoit demain »
Jean-Luc Despax, Le Coin de table, n° 38, Avril 2009.
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Fixé, cargué, rangé
U
Un nuage mutin vient de passer la rampe
- celle des monts neigeux que le soleil colore -
il flotte, blanc ludion, sur le bleu de l'aurore
puis sur un pic voisin tel un drapeau se campe.
Un merle déluré me salue en passant,
l'écureuil du verger met sa queue en trompette
(c'est un voleur de noix qui n'en fait qu'à sa tête)
mais Filou notre chat est le plus caressant.
Une journée encor s'écoule comme coule
l'eau chantante du ru récemment réparé
qu'on utilise ici pour irriguer les prés
y assouplir l'osier ou le poignet qu'on foule.
Il va falloir semer, planter; soigner les fleurs,
vaquer paisiblement aux tâches domestiques
avant de se laisser gagner par la musique,
le dessin, l'écriture, un livre prometteur.
Cela étant le temps étend ses tentacules,
fait de ce havre un piège aux séduisants barreaux
pour peu que vous songiez à cet alter ego
toujours prompt, toujours prêt - que vous fûtes -
à boucler sa valise et coiffer son chapeau
pour changer d'horizon, de peau, de latitude...
Pierre Lexert, Le Coin de table, n° 38, Avril 2009.