Rencontre animée par Claudine Bohi et Jean Le Boël
Lecture et débat
Traduction Forces Poétiques V, le 5 septembre 2024, en nos locaux
Poésie tchèque : la pêche miraculeuse
Débat avec Linda Maria Baros, Guillaume Métayer, Jean-Gaspard Pálenícek
Deux nouvelles séances du Parloir des Poètes, le 19 septembre et le 22 octobre 2024, de 14h à 16h, dans nos locaux de la rue Ballu, sur le thème : L’engagement du poète.
Nombre de participants limité. Inscription préalable nécessaire à maisondepoesieparis@laposte.net
Le 26 juin 2024, à 18h, en nos locaux de l’Hôtel Blémont, à l’occasion des 41 ans de La Traductière, L’ONDE DE CHOC POÉTIQUE (III),
lecture avec Jean-Yves Reuzeau, Sylvestre Clancier, Carole Mesrobian, Mia Lecomte, Alexandre Gouttard, Laure Cambau
et DESCENTE POÉTIQUE POLONAISE, avec lecture par Michal Grabowski et Blaise Guinin de textes de Conrad Gora, Agnieszka Wolny-Hamkalo, Szczepan Kopyt, Maciej Topolski, Kamila Janiak
Comme le prévoient ses statuts historiques, la Maison de Poésie ouvre son Parloir des Poètes. Nouvelle séance, le 14 mai 2024, de 15h à 17h. Vous serez les bienvenus, sur inscription préalable, par courriel, à : maisondepoesieparis@laposte.net Le thème du jour sera : Je et l’autre (II) La conversation sera enrichie de vos lectures : venez avec vos admirations et vos inédits. Le Comité de la Maison de Poésie modérera le temps de parole. (Entrée par la porte à droite, au fond de la cour)
PRIX DE LADÉCOUVERTE POÉTIQUE SIMONE DE CARFORT2024
Règlement du Prix de la découverte poétique Simone de Carfort 2024
Article 1 – Objet
La Maison de la Poésie – Fondation Émile Blémont et La Fondation de France (ci-après dénommée « FdF » sont partenaires pour l’organisation du Prix Simone de Carfort (ci-après désigné « le Prix »).
Le Prix de la Découverte poétique Simone de Carfort a été créé en 1992, abritée par la Fondation de France, en hommage à la poétesse Simone de Carfort.
Ce prix d’un montant de trois mille cinq cents euros (3500€) euros, est destiné à récompenser un poète ou une poétesse d’expression française de préférence méconnus. Une Mention Spéciale du jury sera également décernée et accompagnée d’une dotation de mille cinq cents euros (1500€) euros..
Article 2 – Annonce du Prix
Le Prix est annoncé sur :
Le site internet de la Fondation de France,
Le site internet de la Maison de la Poésie,
Le Monde (annonce publiée dans le journal).
Article 3 – Conditions et modalités de participation au Prix
3.1 Conditions de participation au Prix
La participation au Prix est gratuite.
Le Prix s’adresse à toute personne physique vivante, ci-après dénommée « le participant » ou « le candidat » sans aucune limite d’âge.
Le profil de recevabilité du ou des lauréats est à apprécier en fonction des publications antérieures.
Toute participation vaut acceptation du présent règlement du Prix.
3.2 Nature et présentation des œuvres en lice
Ce prix est destiné à récompenser un auteur ayant peu ou pas publié sur présentation :
-soit de préférence un manuscrit de poésie prêt à l’édition ;
-soit d’un ouvrage de poésie édité au cours des cinq dernières années, jamais primé.
Les œuvres doivent être nominatives, datées et titrées.
3.3 Modalités de participation au Prix
Pour participer au Prix, les participants devront adresser à la Maison de la Poésie les ouvrages en trois exemplaires accompagnés d’une liste de leurs publications antérieures par voie postale en envoi non recommandé.
Les candidats adresseront leur dossier à la Maison de la Poésie sous pli, du 11 février au 15 juin 2024, le cachet de la poste faisant foi, sans qu’aucune responsabilité ne puisse être imputée à la Maison de la Poésie en cas de détérioration ou de non réception des ouvrages et des envois postaux.
Les envois postaux devront être adressés à l’adresse suivante :
Maison de Poésie – Fondation Émile Blémont
Prix Simone de Carfort
11bis rue Ballu
75009 Paris
Le dossier de candidature devra obligatoirement comprendre :
– le curriculum vitae du candidat,
– une adresse mail,
– un numéro de téléphone
Tout dossier incomplet invalidera la candidature au Prix.
Article 4 – Durée du Prix
La réception des dossiers pour le Prix se fera entre le 11 février et le 15 juin 2024 inclus, conformément aux dispositions de l’article 3.3 ci-dessus.
L’attribution du Prix aura quant à elle lieu suite à la délibération du jury à l’automne 2024.
Une cérémonie officielle de remise du prix au lauréat et aux artistes mentionnés sera organisée à la Maison de la Poésie, dans les semaines suivant la réunion du jury.
Article 5 – Composition du jury et modalités de sélection du lauréat du Prix
Le Jury du Prix, présidé par Georges Rose est composé de six à dix membres. Assiste également aux délibérations du jury, sans y participer un représentant de la Fondation de France.
Le jury se réunira à l’automne 2024.
Les participants seront informés du résultat de la sélection du jury par téléphone (au numéro qu’ils auront indiqué dans leur dossier de candidature) dans les meilleurs délais. Les délibérations resteront confidentielles, les membres du jury étant tenus à l’obligation de réserve.
Seules les participations et ouvrages respectant les conditions et modalités énumérées à l’article 3 du présent règlement pourront être sélectionnées par le jury.
Le jury est souverain et ne motive pas ses décisions. Aucune réclamation ne pourra être acceptée à la suite de la désignation du lauréat du Prix par le jury.
Article 6– Lots attribués au lauréat du Prix
Le lauréat du Prix Simone de Carfort se verra attribuer la somme de trois mille cinq cent euros (3500€) remise par la Fondation de France.
La Mention spéciale sera dotée de mille cinq cents euros (1500€), somme également versée par la Fondation de France.
Article 7 – Restitution des dossiers aux participants non lauréat
Aucun document ne sera retourné. Les documents feront l’objet d’un don à des librairies solidaires ou à des structures habilitées à recevoir des livres.
Article 9 – Données à caractère personnel
Les lauréats du Prix et de la Mention Spéciale autorisent la Maison de la Poésie et la FdF, à titre gratuit, à utiliser et diffuser leurs noms et prénoms pour les mentionner comme lauréats du présent Prix sur le site internet de la Maison de la Poésie ainsi que sur le site internet de la FdF.
Article 8 – Accessibilité du règlement du Prix
Le présent règlement du Prix peut être consulté sur le site de la Maison de la Poésie et/ou pourra être adressé gratuitement à toute personne en faisant la demande :
par courriel : maisondepoesieparis@laposte.net
Article 9 – Loi applicable et interprétation du règlement
Le présent règlement est soumis au droit français.
La participation au Prix emporte l’acceptation sans réserve du présent règlement par les participants.
le 14 décembre 2023 à 18h Hôtel Blémont 11bis, rue Ballu 75009 Paris
Le Grand Prix de la Maison de Poésie à Nicole Brossard et à Gilles Jallet
Le Prix spécial à Brigitte Gyr
Le Prix Verlaine à Arnoldo Feuer
Le Prix Rimbaud à Arthur Billerey
La Mention spéciale du Prix Rimbaud à Paulina Kamakine
avec la participation de Sylvestre Clancier, Linda Maria Baros, Claudine Bohi, Jean Le Boël, Guillaume Métayer, Philippe Pujas et celles de Guy Mathieu et de Charles Gonzalès.
Poésie venue d’Espagne à La Maison de Poésie – Fondation Émile Blémont
le vendredi 13 octobre 2023, à 18h, en nos locaux du 11bis, rue Ballu 75009 Paris
ESTHER TELLERMANN : Divine prophétie ! Ou l’essence de l’indicible !
Pénétrer par mégarde dans l’œuvre poétique d’Esther Tellermann peut présenter un risque conjugué à l’instance d’une violation « non autorisée » de l’ensemble des procédés qui habitent cette œuvre rare et pour le moins déterminée. Née le 28 juin 1947 à Paris, normalienne, agrégée de lettres, mais également psychanalyste, profession qui n’a rien d’anodin ; auteur d’une trentaine d’ouvrages, Grand Prix de poésie de l’Académie Française en 1996, et Prix Max Jacob en 2016 – au-delà de l’aspect purement biographique, dont la pudeur s’avère certaine, il y a chez elle, une complexité de tous les instants dont le langage est en quelque sorte le soubassement intime. Une intimité inavouée cela va de soi, presque refoulée dans les profondeurs de l’indicible comme si la vie de l’auteur avait imprimé par inadvertance, une frontière entre ce qui peut être dit, et ce qui jamais ne peut l’être ; à défaut d’une confrontation profonde entre le MOI de la réalité quotidienne (au fil des années) et l’expérience d’une déflagration intérieure qui en constituerait l’ossature, cependant tue. Et à condition toutefois que cette déflagration soit à un moment donné partiellement révélée et que l’ossature elle-même conduise à l’édification d’un langage nouveau au sein d’une sphère cognitive plus perceptible. Certes en lisant Esther Tellermann, on songe souvent à l’empreinte non dissimulée d’André Du Bouchet, ou de Paul Celan. Verticalité structurelle autant qu’économie des mots qui n’ont rien ici de parallèle, plutôt écrire que la verticalité même, la précision des termes, renvoient à une essence d’ordre symbolique juxtaposant des épisodes distincts d’une mémoire se cherchant au-delà du factice ou de l’artificiel.
« Un mot encore
fut notre temps
et nous étions
pourtant les écorces
au-dessus et en
dessous.
Dans les métamorphoses
et les césures
à rebours
des peuples muets
inscrivions
dans les craies
le rythme des
royaumes.
Aujourd’hui vint
Un son de cordes
Sur les 3 univers.
Derrière tes doigts
je vis monter
la fugue
valses lentes
transfigurent
la douleur ».
(Sous votre nom. Editions Flammarion. 2015)
Et de ce point de vue, et c’est là tout l’intérêt de cette poésie qui n’a rien de didactique ; ses aspects originels, dont il faut là encore aller chercher le sens, relève à bien des égards de ce que je qualifierais d’érosion mentale. Erosion mémorielle, mais aussi érosion sémantique dont les contours linguistiques définissent une toute autre appréhension du SUJET, vécu comme un ajout supplémentaire à la quête. Le sujet en effet n’est pas la quête elle-même, il n’en est que le complément indirect qui s’est perdu quelque part dans la mémoire du silence, que l’auteur ne cesse de malmener au fur et à mesure de son avancée dans sa propre obscurité. Le rythme des royaumes devient ainsi une échappatoire à l’informulé où le temps s’est arrêté au sein d’une contrée passagère. Les époques, ainsi, se succèdent-elles aux prises avec (sous) le joug du langage forcé – raboté – et qui n’est pas ici un simple exercice conventionnel, mais plus encore – affairant au rythme des nécessités – dès lors que « sous le nom » puisse apparaitre un « autre nom » qui ne soit pas précisément celui de l’écrivant. Peut-on alors parler de négation du sujet ? Certes non ! Le sujet demeure bien au cœur du débat, comme une ultime condition, où bien que L’OBJET de la quête, insuffisamment promu conduise à faire surgir une simple métaphore, parabole syntaxique de l’inconscient « vaincu » (déshabillé) à force de patience et de souffrance. Il n’est pas certain cependant que l’auteur au travers ses nombreux ouvrages ait souhaité prendre un risque supplémentaire au –jeu d’écriture – en jouant sur des variations déjà connues (verticalité, horizontalité) mais plus justement en intimisant – le jeu des profondeurs -, à la manière d’un « coup de dé » dont les voyages seraient le seul réceptacle avoué. Fuir alors ? Une fois de plus restons prudent sur le sens à donner à la presque évidence, car finalement elle n’en est pas une. Ce qui est donné à lire, n’est pas forcément ce qu’il faut comprendre d’emblée. Il faut aller chercher ailleurs, dans l’ailleurs insatiable, une pensée plus souterraine en phase avec ses multiples réalités. À cet égard Freud reste impuissant, il n’est pas le meilleur recours à l’explication des schèmes existants et volontairement visibles, ceux-là ne lui ressemblent pas. Lacan peut-être ?
« Dans l’épaisseur qui rejoint
le trait enfoui
longtemps tu fis
surgir du lieu
grand ouvert
espace entre
la syllabe défont
les brûlures de
la chaux coulées tout à coup chassent
l’aigu de la
parole en amont
de l’érosion. »
Et puis plus loin encore, entre ouverture au monde et surgissement de l’instant, l‘altérité en profondeur regagnant le vide, tout en comblant les marges d’un trop plein brûlant – l’espace n’y est pour rien ; c’est la syllabe qui commande à la « ré-flexion » (réfection), comblant les limites en amont ou bien encore au-delà des frontières verbales, il existe de fait, de nombreuses pistes à suivre et à explorer qui ne soient pas seulement « le regard de l’habitude », mais aussi et plus certainement la tentative de sortir de l’interrogation abyssale – celle là même qui ne dit plus rien, hormis la hantise de son émergence et de sa vacuité dans le règne de l’humain. Et toute la difficulté consiste alors pour le lecteur patient, de trouver un pont viable, entre « ce qui EST, et ce qu’il y PARAIT » et ce sans se brûler précisément les ailes : La chaux coulées tout à coup… comme un ultime rempart perceptible entré le dit et le non-dit fécond.
« Voix voix
dans la marge qui
se dérobe
aura sur
je ne respire tu
soulignes
l’écorchure
glaciers entre les matières confondues
un même mot noyé
dans la couleur
qui se disperse
chaque fois plus
retenue »
(Carnets à bruire. Europe. Juin-Juillet 2011. n° 986-987. Editions La Lettre volée, 2014)
D’ailleurs, dans son dernier ouvrage intitulé « Corps rassemblé », au singulier, Esther Tellermann rentre en quelque sorte dans le vif du sujet, mais cette-fois au travers de l’œuvre de Claude Garache, artiste-peintre, né le 20 janvier 1930 à Paris, et où il fréquenta les ateliers de Fernand Léger et André Lhote avant de devenir ami avec Alberti Giacometti qui rappelons-le était proche d’André Du Bouchet. Aussi il n’est pas innocent, que la poétesse se soit penchée sur cette œuvre plastique au « pouvoir certain » » comme l’écrira Raoul Ubac. « Corps rouges, estompés, rappelant la couleur du sang – comme un suaire inachevé, toujours en extension. Féminité hachée et toujours en trompe l’œil – l’empreinte des corps, malmenés, torturés ». On imagine alors qu’Esther Tellermann n’ait guère eu de difficulté à s’immerger intégralement au sein de cette plasticité peu commune. Car si les images jamais ne remplacent vraiment les mots, on peut supposer qu’il existe un apport profitable à ces deux disciplines (art et poésie), sans que l’une ou l’autre ne soit oblitérée dans leur substance même, comme en témoigne le style utilisé par l’auteur. Un long poème qui n’en finit pas de se mouvoir à l’intérieur et à l’extérieur de lui-même, sans cesse se cherchant et sans cesse se fuyant, mais plus encore (se) martelant de manière elliptique, « dans un grand espace blanc » où les limites ne sont pas encore connues, invitant à la fugue silencieuse et au temps renversé – en chute libre – « Il est impossible de percer certains secrets malgré un nombre incalculable d’enquêtes, on est simplement frappé par l’étroitesse des circonstances. »
« Puis je revins
dans le cadre
vous laisse
peindre
un présent
corrompu par
l’odeur des aisselles
des sueurs âcres
Ariane
j’avais rapporté
ta douleur
et ton poids »
Carnets à Bruire, 104 pages, 17 euros, La Lettre volée, 2014
Sous votre nom, 256 pages, 18 euros, Editions Flammarion, 2015
Corps rassemblé, 128 pages, 21 euros, Editions Unes, 2020
Jeanine BAUDE est morte le lundi 27 décembre 2021, après avoir lutté de toute son énergie contre la maladie.
Max ALHAU lui rend hommage :
Rendre hommage à une amie côtoyée durant plus de vingt ans fait resurgir les émotions, les souvenirs dont ceux de la lecture de ses livres. C’est tout cela qui afflue quand l’absence définitive s’est imposée.
Comment ne pas évoquer la femme d’action, la voyageuse, l’écrivaine que fut et que reste Jeanine dans notre mémoire ?
Son désir d’action l’entraîna, il y a quelques années, à faire partie de l’Association des Amis de Louis Guillaume dont la Présidente était Lazarine Bergeret et dont Jeanine fut d’abord la secrétaire générale, puis la Présidente en 2011 quand Lazarine Bergeret, en raison de son âge, dut passer la main. Cette association qui décerne chaque année le prix du poème en prose fut animée par Jeanine avec ardeur et talent. Elle organisa à la Maison de la Poésie le 1er décembre 2012 un colloque « Autour du poème en prose » auquel participèrent de nombreux poètes et qui connut un vif succès.
L’engagement de Jeanine se traduisit aussi dans le cadre du PEN Club et sa participation au Comité des femmes écrivains où son activité fut, hélas, réduite en raison de la maladie, un cancer qu’elle combattit avec un immense courage jusqu’au dernier moment.
Il est nécessaire aussi de rappeler son activité en tant que directrice littéraire aux éditions Petra où elle s’occupait de la publication de livres de poèmes et de nouvelles avec la conviction qu’on lui connaissait.
Femme d’action, Jeanine était également une voyageuse qui aimait relater ce qu’elle avait découvert. Lorsqu’elle alla à Buenos Aires, elle en rapporta un livre : Le goût de Buenos Aires (Mercure de France 2009). De même elle séjourna longuement à New York ce qui donna lieu à deux publications : Le Chant de Manhattan (Seghers, 2006) et New York is New York (Tertium, 2006). Venise fut aussi une ville que Jeanine visita et célébra avec Venise Venezia Venessia (éditions du Laquet, 2001). Le goût de la découverte des paysages et celle des poètes l’entraîna en Slovaquie et donna lieu à L’insoutenable légèreté du poème, autour de quatre poètes slovaques : Turan, Bielik, Zbruz, Litvak (Revue l’Arbre à Paroles, 2001).
Malgré son goût pour les voyages, il semble que le lieu d’adoption de cette Méridionale fut Ouessant où elle possédait une maison. L’île était un refuge, une terre rude et accueillante où elle aimait résider l’été. Elle publia ce livre : Ile corps océan (L’Arbre à paroles, 2007) traduit en espagnol par Porfirio Mamani Macedo qui célèbre ce lieu. Mais l’essentiel, pour Jeanine, était la poésie et s’il n’est pas question dans cet hommage d’analyser une œuvre abondante et talentueuse, il faut toutefois mentionner que l’écriture de Jeanne, forte, sensible, ne contrastait pas avec son être mais en était le reflet : une écriture qui laissait percer ses sentiments, son goût pour l’humain. Il convient de rappeler ce qu’est son dernier livre écrit durant sa maladie en quelques jours : Les Roses bleues de Ravensbrück (La rumeur libre, 2021) : des poèmes d’une force, d’une sensibilité peu communes, des poèmes en hommage aux femmes déportées, des poèmes de la révolte, de la douleur et du refus de ces crimes qui furent ceux d’hommes habités par la haine et la cruauté.
Ces lignes reflètent bien imparfaitement ce que fut Jeanne mais elles sont l’approche d’une femme qui sut résister à la souffrance avant d’être vaincue, une femme qui portait en elle son goût pour la générosité, l’amitié, des qualités que chacun a pu apprécier et dont il se souvient avec émotion en ces moments douloureux.
Sylvestre CLANCIER témoigne :
Nous venons de perdre notre amie poète, Jeanine Baude, qui depuis plus de 15 ans était engagée dans les combats que mène le PEN Club français pour la défense des libertés d’expression et de création et celle de la diversité linguistique et culturelle. Elle participait à nos côtés, en tant qu’élue au Comité directeur, à la défense des écrivains persécutés et à la promotion des droits humains.
Dans l’anthologie que j’avais établie en 2006, dans le cadre du mouvement que quelques uns d’entre nous avait fondé et baptisé « Nouvelle Pléiade » pour couvrir tout le champ de la poésie de langue française sur les 5 continents, ensemble que j’avais fait paraître chez Seghers, en 2008, avec une préface et quelques ajouts de Bruno Doucey et des notices complétées par Stéphane Bataillon, Jeanine écrivait ceci :
« Les mots du poète sont le vent, la pluie, l’or stellaire qui fait lever le blé […]
Ecrire, c’est vivre
Lutter, aimer, danser, manifester, exister, sans nul doute et dans toute sa splendeur, sa misère, son urgence ».
Telle était bien Jeanine, une femme debout et engagée pour soutenir les causes nécessaires, elle écrivait pour vivre et vivait pour écrire.
Parce qu’elle a su le faire avec la plus haute exigence, elle restera vivante et bien vivante dans nos esprits et dans nos cœurs.
Comme le soulignait Gabriel Audisio, son grand aîné, né à Marseille au début du 20ème siècle, « dans le Midi méditerranéen, le silence s’oppose à la parole, comme l’ombre à la lumière, plus nettement que partout ailleurs » et ce monde a façonné l’esprit et le caractère bien trempé de notre amie Jeanine, comme la roche, les falaises en bord de mer, aussi bien les calanques que les rochers bretons et les côtes d’Ouessant battues par les vents qui l’ont habitée.
Max Alhau, qui avec Jeanine Salesse et Paul Farellier a accompagné Jeanine Baude toutes ces dernières années dans la valorisation de l’œuvre du poète Louis Guillaume, était des poètes qui parmi nous la connaissait le mieux, c’est pourquoi nous lui avons demandé d’écrire l’hommage qui se trouve sur notre site. Jeanine était devenue, après la vaillante Lazarine Bergeret, la présidente de l’association qui s’employait activement à cette valorisation en poursuivant la réalisation et l’édition des Carnets Louis Guillaume.
Max a su dire à son propos une vérité essentielle : Jeanine Baude était à la fois une femme d’action écrivaine et une voyageuse écrivaine et poète, qu’il en soit remercié.
Je tiens aussi à remercier chaleureusement Andrea Iacovella, l’ami poète et éditeur que Jeanine et moi avions en commun. Il avait fait la connaissance de Jeanine lorsqu’il était en fonction en Grèce, il y a 25 ans et plus. Il a su dire avec toute l’intelligence de son cœur, de façon fraternelle et émouvante, ce qui devait être dit la concernant, lors de ses obsèques au Funérarium du Père La Chaise, le 5 janvier dernier.
Sylvestre Clancier Président d’honneur du PEN Club français Membre du Jury du Prix Louis-Guillaume du poème en prose Président de la Maison de Poésie Fondation Émile Blémont
Jacqueline PERSINI avait écrit en octobre ce poème qu’elle lui dédie :
Offrande
Un pas après l’autre, des pas près d’elle des pas avec elle les jambes suivent et son dos se redresse on oublie le lit mais pas la fenêtre avec elle, je marche, je m’arrête sans parole, nos corps avancent et se relient
Le couloir est long longue est la peine de nouveau la chambre mais pas le lit non surtout pas le lit le fauteuil s’asseoir prend du temps
Nous avons le temps de la vie…
Elle s’assoit, elle y arrive. Je la regarde dans les yeux ses yeux qui voient et pensent le bleu et le noir
Son regard, comme celui des nouveau-nés des bébés, m’éclabousse d’eaux primitives, claires et obscures leur déferlement sans fond me rend nouvelle, m’accorde à elle pour voler au secours du monde
Liées à ce qui nous échappe chacune garde son cri le mot amitié prend tout son temps pour s’habiller de lumière les autres mots se taisent plus de terre plus de ciel plus d’endroit plus d’envers nous sommes sans âge dans l’instant de nos marches de nos regards
Le 3 décembre 2021 à 18 h, au siège de la Maison de Poésie 11 bis rue Ballu 75009 Paris
Rencontre animée par Sylvestre Clancier.
Avec la participation des poètes Linda Maria Baros, Alexandre Monnet-Terrile, Alexandre Gouttard, Brigitte Gyr, James Noël, Patricia Nolan, Jean Portante, Nohad Salameh, Omar Youssef Souleimane, Habib Tengour.
Miquel ou Michel, selon que l’on est d’Oc ou d’Oïl, était un poète debout, toujours fraternel et solidaire. Une véritable incarnation de la cortesia dont grâce à lui notre amie occitane, Miquela Stenta, nous a si bien rappelé les valeurs et les pratiques, lors des importantes rencontres littéraires et humanistes qu’il avait organisées à Narbonne, une première fois en 2015, en tant que vice-président du PEN d’Oc et en partenariat avec notre PEN français.
De fait, Michel incarnait l’universalité fraternelle de la poésie authentique qui peut rassembler les femmes et les hommes de bonne volonté. Je rappelle ainsi, alors que nous célébrons le centenaire du PEN, que Jules Romains fut, après Paul Valéry, le poète universel du Cimetière Marin, l’un des autres présidents du PEN français dans les années trente.
Notre ami Miquel était lui-même porteur des valeurs de paix et de partage, mais aussi de résistance à toutes formes d’oppression, de censure ou d’atteinte à la liberté d’expression et de création qui sont au cœur de notre vocation d’écrivains citoyens du monde. Il l’a montré toute sa vie en tant que concepteur et animateur de rencontres littéraires et artistiques à haute valeur culturelle et à travers l’ensemble de son œuvre.
Il s’est dépensé sans compter, et jusqu’à la fin de sa vie, avec une énergie et un courage exemplaires qui forcent l’admiration, alors qu’il était atteint depuis longtemps par le mal qui a fini par l’emporter. Miquel, en effet, portait et alimentait la flamme de ces valeurs que je viens d’évoquer afin que celle-ci ne s’éteigne pas et brûle toujours dans son Occitanie de cœur et de vie.
C’était d’abord le Minervois et la Narbonnaise, mais aussi la grande Occitanie universelle et à jamais éternelle de l’arc méditerranéen. Cet arc qui comme je l’ai vécu à travers les prises de paroles lors d’un congrès du PEN d’Oc organisé en France, à Valence, va de certaines régions alpines italiennes à des territoires pyrénéens espagnols et jusqu’à la Catalogne sud, en passant par la Provence, toute la moitié sud de la France dont la Catalogne Nord et bien d’autres territoires où la lingua limousina porta et porte encore toute une civilisation.
Miquel fut, en tant que vice-président du PEN d’Oc aux côtés du président, Jean-Frédéric Brun, et de toutes ses amies et amis occitans, l’un des plus vaillants organisateurs et animateurs de ce PEN.
Il fonda aux côtés du limousin que je suis et à ceux de Philippe Pujas, franco-catalan et d’Edvard Kovac, franco-slovène, tous investis au sein du PEN français et du PEN international, une alliance de fait avec nos amis des Balkans et de la Méditerranée depuis la Palestine et Israël, jusqu’au Portugal, eux qui portent en leur cœur l’œuvre de nos anciens troubadours et des Bogomiles qui éclairèrent jadis leur propre pays.
Grâce à elles, à eux et surtout à lui, nous nous sommes retrouvés dans le cercle baptisé par nous Alem (Amis de la liberté d’expression en Méditerranée) pendant ces quinze dernières années et à différentes reprises : à Arles en 2008, à Bled, en Slovénie, en 2009, 2011, 2012, 2014, à Haïfa, en Galilée, en 2010, à Lisbonne, en 2013, à Narbonne une première fois, en 2015, et enfin à Narbonne, une seconde fois en 2018, avant de nous retrouver à Zadar, en Croatie, en 2019.
J’ai eu l’immense bonheur de retrouver Miquel, l’an passé, à Sète, en juillet 2020, lors du festival Voix Vives de méditerranée en méditerranée, auquel il a pu encore participer et, après son récent départ, vous m’avez réconforté, vous ses ami(e)s, vous mes ami(e)s du PEN d’Oc, en m’invitant à participer au premier hommage que vous lui avez rendu, lors de ce même festival, fin juillet 2021. Je vous en remercie chaleureusement et vous embrasse fraternellement.
Sylvestre Clancier Président d’honneur du PEN français Ex membre du Comité exécutif du PEN international Membre d’honneur du PEN d’OC
Palais des Académies, Rue Ducale 1, 1000 Bruxelles, salle Albert II.
Première partie : 13h30 -15h15 (Modérateur : Philippe Dewolf) Philippe Lekeuche, Autour du « Conservateur des charges » de Jean Tordeur Michèle Goslar, Yourcenar, une poésie simple et émotive Béatrice Libert, Jeanine Moulin, entre vie vécue et vie distanciée Guy Goffette, Max Elskamp et la chanson de Flandres Gérald Purnelle, Robert Guiette, un poète en exil dans un monde de signes
Pause : 15h15-16h
Seconde partie : 16h-17h45 (Modérateur : Philippe Dewolf) Jean-Marie Corbusier, Anna de Noailles, l’éclat de vivre ou la vie en éclats Véronique Bergen, Claire Lejeune, engendrements et dissidences Marc Danval, Robert Goffin, poète-mémoire du XXème siècle Éric Brogniet, Philippe Jones: l’Ars Magnum
Remise du Prix Philippe Jones 2020 au poète Pierre Dhainaut (Transfert de souffles, L’Herbe qui tremble, 2019 )
Conversation avec le lauréat et lecture de poèmes
Cette manifestation entre dans le cadre du centenaire de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique
Le tableau d’Henri Fantin-Latour, Coin de table (1872), met en scène : Assis : Paul Verlaine, Arthur Rimbaud, Léon Valade, Ernest d’Hervilly, Camille Pelletan. Debout : Pierre-Elzéar, Émile Blémont, Jean Aicard.
C’était Émile Blémont qui avait réuni ces jeunes poètes, à la demande du peintre. Verlaine et Rimbaud lui en furent toujours reconnaissants. Rimbaud lui fit don du manuscrit original de son Sonnet des voyelles (actuellement au Musée Rimbaud de Charleville-Mézières); Verlaine lui consacra un sonnet de remerciements, car Blémont n’abandonna jamais « le Pauvre Lélian » dans ses malheurs.
Nouveaux vers pour Fantin-Latour
… Il était vraiment beau Et fort solidement brossé, le grand tableau Où nous groupant alors, nous, les jeunes poètes, Sur la nappe, au dessert, vous dressâtes nos têtes. Là, quel tas de rimeurs : d’Hervilly, Pelletan, Léon Valade sous sa barbe de Persan, Et Verlaine, et Rimbaud avec sa face énorme, Et le bel Elzéar en chapeau haut de forme !… Émile Blémont. La Belle Aventure, 1895.
*
À Émile Blémont
La vindicte bourgeoise assassinait mon nom Chinoisement, à coups d’épingle, quelle affaire ! Et la tempête allait plus âpre dans mon verre. D’ailleurs, du seul grief, Dieu bravé, pas un non, Pas un oui, pas un mot ! L’opinion sévère, Mais juste, s’en moquait, autant qu’une guenon De noix vides. Ce bœuf bavant sur son fanon, Le public, mâchonnait ma gloire… Encore à faire. L’heure était tentatrice, et plusieurs d’entre ceux Qui m’aimaient, en dépit de Prud’homme complice, Tournèrent, carrément, furent de mon supplice, Ou se turent, la Peur les trouvant paresseux. Mais vous, du premier jour vous fûtes simple, brave, Fidèle : et dans un cœur bien fait cela se grave.
le 29 mai 2024, à 17h30, en l’Hôtel Blémont 11bis, rue Ballu 75009 Paris
à l’occasion de la sortie de
Un an en petite Garabagne de Sylvestre Clancier (éditions L’Herbe qui tremble)
et du deuxième tome des Œuvres poétiques de Jean Portante (éditions La Rumeur libre)
Modération : Linda Maria Baros
Lectures : Charles Gonzalès
Accompagnement musical : ArnaudCombe
Poétiques contemporaines Débats et Lectures
le 6 juin 2024, à 19h, à la Maison de Poésie – Fondation Émile Blémont 11bis, rue Ballu 75009 Paris
avec
Joep Polderman (Pays-Bas / France)
Alexandre Gouttard (France)
Michat Grabowski (Pologne / France)
Tomasz Bak (Pologne)
Linda Maria Baros (Roumanie / France)
Le 14 mai 2024, à 17h, la Maison de Poésie invite deux poètes à présenter leurs récents recueils, parus au premier trimestre 2024 :
Anne Lohro pour mots pliés... ville errante paru aux éditions La Rumeur libre
Cyril Roger-Lacan pour Avant l’âge paru aux éditions Grasset
La Maison de Poésie recevra le 6 mai à 18 heures Silvia Aymerich-Lemos et Hélène Beaulieu pour Balms/Baumes, poèmes en catalan, dont la traduction française a été coréalisée par l’autrice et Hélène Beaulieu.