Max Alhau Les mots en blanc (140 pages L’herbe qui tremble 2020) (couverture et planches : Elena Peinado Nevado)

« Disparaître quoi que l’on fasse »

Il suffit de la conjugaison au futur antérieur pour que le lecteur soit saisi par l’émotion : « Cette vie n’aura été… ». Le livre s’offre à nous comme une espèce de bilan, de ceux qu’on ferait quand on s’interroge sur « ce qu’il reste à franchir », qu’on se demande « à quoi [on] aura acquiescé » et que s’imposent certains constats : « il est trop tard sans doute ». Mais le poète, dans cette entreprise où il recourt à ses deux manières : deux sections en vers, une en prose, est trop fidèle à lui-même pour ne pas rester en éveil : il est prêt à accueillir « cette part de surprise / que les mirages nous réservent encore ». On sait l’importance du thème de la marche dans l’œuvre de Max Alhau. De cette métaphore de la vie comme un chemin procèdent le regard du marcheur et les questions qu’il pose auxquelles « seul le silence répond ». Certaines s’adressent à lui-même : « Est-ce cela avoir vécu », d’autres au monde indéchiffrable, insaisissable et qui se dérobe à nos certitudes, ainsi qu’en témoignent les adjectifs « fugitif », « éphémère », « provisoire », « illusoire ». Même au futur, la conclusion est connue d’avance : « Bientôt on ne connaîtra plus rien ». Mais l’écrivain ne renonce pas : il s’agit de « dire une fois encore » et, l’oxymore « brève éternité » le souligne, d’approcher ce moment où la parole se suffirait à elle-même dans « la force des mots / retournant à leur blancheur première ». Alors, malgré la perte de l’être aimé, malgré « le péril sans équivoque », seule issue du chemin, tout sera réconcilié, la mort ne sera plus qu’un mot : « arrivé à son terme / tu ne pourras faire demi-tour / l’ombre et la lumière : / un même mot les désignera ».

JLB