Création
La Maison de Poésie (ou Maison de la Poésie) a été créée par les dispositions testamentaires du poète Émile Blémont. Elle a été reconnue d’utilité publique par le Président de la République, Gaston Doumergue, par décret en date du 9 août 1928. Ses statuts ont été modifiés et approuvés par décret du Ministère de l’Intérieur le 20 novembre 1984.
Ses buts n’ont pas changé. Elle est un musée de la poésie de la tradition, mais elle est aussi tournée vers l’avenir, et elle aide les jeunes poètes d’aujourd’hui à rencontrer les lecteurs, elle décerne des Prix, elle publie des recueils et une revue Le Coin de table.
Émile Blémont, créateur de la Maison de Poésie
Léon Émile Petitdidier, dit Émile Blémont (1839-1927), fut un poète, un animateur, un mécène. Il est le personnage central du célèbre tableau de Fantin-Latour, Coin de table qui réunit en 1872 sept jeunes poètes, tous alors inconnus, dont les plus célèbres aujourd’hui sont Paul Verlaine et Arthur Rimbaud.
C’était Émile Blémont qui avait réuni ces jeunes poètes, à la demande du peintre. Verlaine et Rimbaud lui en furent toujours reconnaissants. Rimbaud lui fit don du manuscrit original de son Sonnet des voyelles (actuellement au Musée Rimbaud de Charleville-Mézières); Verlaine lui consacra un sonnet de remerciements, car Blémont n’abandonna jamais « le Pauvre Lélian » dans ses malheurs.
Nouveaux vers pour Fantin-Latour
… Il était vraiment beau
Et fort solidement brossé, le grand tableau
Où nous groupant alors, nous, les jeunes poètes,
Sur la nappe, au dessert, vous dressâtes nos têtes.
Là, quel tas de rimeurs : d’Hervilly, Pelletan,
Léon Valade sous sa barbe de Persan,
Et Verlaine, et Rimbaud avec sa face énorme,
Et le bel Elzéar en chapeau haut de forme !…
Émile Blémont. La Belle Aventure, 1895.
*
À Émile Blémont
La vindicte bourgeoise assassinait mon nom
Chinoisement, à coups d’épingle, quelle affaire !
Et la tempête allait plus âpre dans mon verre.
D’ailleurs, du seul grief, Dieu bravé, pas un non,
Pas un oui, pas un mot ! L’opinion sévère,
Mais juste, s’en moquait, autant qu’une guenon
De noix vides. Ce bœuf bavant sur son fanon,
Le public, mâchonnait ma gloire… Encore à faire.
L’heure était tentatrice, et plusieurs d’entre ceux
Qui m’aimaient, en dépit de Prud’homme complice,
Tournèrent, carrément, furent de mon supplice,
Ou se turent, la Peur les trouvant paresseux.
Mais vous, du premier jour vous fûtes simple, brave,
Fidèle : et dans un cœur bien fait cela se grave.
Paul Verlaine, Amour, 1888.
Émile Blémont venait de créer avec quelques jeunes gens la revue La Renaissance Littéraire et Artistique, la première publication après le désastre de la guerre de 1870 et la fin du Second Empire. Tous les poètes du moment y participèrent, Parnassiens puis Symbolistes. Blémont y publia Verlaine, Rimbaud, Mallarmé, et beaucoup d’autres, et ses traductions des Feuilles d’herbe de Walt Whitman qu’on peut considérer comme la première apparition du vers libre. Victor Hugo salua la création de La Renaissance et Blémont fréquenta le vieux poète; il fut l’un de ceux qui veillèrent le cercueil de Victor Hugo sous l’Arc-de-Triomphe dans la nuit du 31 mai 1885. Toujours attentif aux jeunes poètes, Émile Blémont fit voter à la Chambre des Députés, en 1906, sur intervention de son ami le député Charles Couyba (le poète Maurice Boukay, qui fut président de la Maison de Poésie et plusieurs fois ministre), le « Prix de Rome de la Poésie », c’est-à-dire la Bourse nationale du Voyage Littéraire.
Par la suite, Émile Blémont racheta le tableau de Fantin-Latour et en fit don à l’État (le tableau est actuellement au Musée d’Orsay).
Émile Blémont avait eu un fils en 1872, Gaston, qui mourut en 1875. Se trouvant sans héritier direct, il résolut de créer une Fondation devant porter son nom, après sa mort survenue le 1er février 1927. Cette Fondation s’installa dans son Hôtel particulier, où elle se trouve encore, mais n’en possédant plus la totalité des locaux.